2. Gouvernance de l’eau

L’ identification, la reconnaissance et l’utilisation des connaissances locales et indigènes dans la gestion intégrée des ressources en eau répondent aux processus de gouvernance de l’eau.

La gouvernance de l’eau est un système politique, social, économique et administratif qui vise à gérer les ressources en eau et la fourniture de services d’eau à différents niveaux de la société par le biais de procédures participatives (Rogers et Hall 2003, Batchelor 2003, Campos et Carlier 2019).

Selon les principes de gouvernance de l’eau de l’OCDE (2015), la gouvernance de l’eau doit être construite à travers une approche où les perspectives ” Top-Down ” et ” Bottom-up ” sont en dialogue. À cet égard, ils indiquent que ” la gouvernance est réussie si elle contribue à résoudre les principaux défis liés à l’eau en utilisant une combinaison de processus ascendants et descendants, tout en favorisant des relations constructives entre l’État et la société. ” (OCDE 2015, 5) [1].

Les processus ascendants, également appelés “bottom-up”, consistent à identifier, formuler et mettre en œuvre des actions basées sur le dialogue avec les organisations communautaires, c’est-à-dire les institutions qui représentent les citoyens des communautés. En ce sens, il s’agit de processus multi-acteurs et inclusifs. En revanche, l’approche “Top-Down” ou descendante de la gestion de l’eau se concentre sur la génération, la mise en œuvre et le suivi de normes, de plans d’action, entre autres, à partir du niveau gouvernemental.

Le dialogue entre les approches ascendantes et descendantes permet de construire la gouvernance de l’eau pour la GIRE de manière participative, en intégrant les connaissances et les perspectives locales et indigènes, le cas échéant, aux connaissances techniques.

La promotion de la gouvernance de l’eau requiert une série de compétences et de connaissances. On considère souvent que la solidité technique avec laquelle ils peuvent construire une infrastructure de l’eau ou un plan de GIRE est suffisante. De plus en plus, cependant, un type de compétences est considéré comme fondamental pour favoriser une bonne gouvernance de l’eau : les compétences comportementales.

Selon l’OCDE, les compétences non techniques sont devenues plus importantes dans l’agenda des ressources en eau car l’une des dimensions de la gouvernance de l’eau : la confiance et la participation, dont les quatre principes sont : 1) le suivi et l’évaluation, 2) les compromis entre les utilisateurs, les zones rurales et urbaines et les générations, 3) l’engagement des parties prenantes et 4) l’intégrité et la transparence.

2.1. Les compétences comportementales (soft skills)

Les compétences comportementales – également appelées soft skills ou compétences transférables – sont celles qui nous permettent de nous adapter à différents contextes et d’être performants dans différents environnements sociaux et professionnels (UNESCO 2018, UNICEF 2019).

Les compétences transférables, également appelées “compétences de vie”, “compétences du 21e siècle”, “compétences générales” ou “compétences socio-émotionnelles”, permettent aux jeunes de devenir des apprenants et des citoyens agiles et adaptables, équipés pour relever les défis personnels, scolaires, sociaux et économiques ; les compétences transférables comprennent la résolution de problèmes, la négociation, la gestion des émotions, l’empathie et la communication et aident les jeunes en situation de crise à faire face aux traumatismes et à renforcer leur résilience face à l’adversité ; les compétences transférables fonctionnent parallèlement aux connaissances et aux valeurs pour connecter, renforcer et développer d’autres compétences et approfondir les connaissances.

Source : UNICEF (2019). Cadre global pour les compétences transférables [2]

Dans le cadre de la gouvernance de l’eau et du changement climatique, les compétences non techniques remplissent trois rôles clés :

  • Renforcer les capacités de communication, de dialogue et de relations avec les acteurs locaux : les fonctionnaires/techniciens des institutions du secteur de l’eau encouragent le dialogue et établissent des relations de confiance et durables avec les communautés et les autres acteurs au niveau local, en veillant à respecter et à apprécier la diversité culturelle et la sensibilité aux questions de genre.
  • Renforcer les capacités de négociation, de prévention et de résolution des conflits : les fonctionnaires/techniciens des institutions du secteur de l’eau ont les compétences nécessaires pour favoriser un climat social de dialogue, de coopération et de paix, en gérant les différends et en concluant des accords de manière participative.
  • Renforcer l’implication de la communauté : les fonctionnaires/techniciens des institutions du secteur de l’eau engagent les communautés dans une participation soutenue à la GIRE, en veillant à ce que les femmes aient une voix égale dans la prise de décision et la production d’informations.

2.2. Engagement et confiance

L’ engagement et la confiance sont l’une des trois dimensions de la gouvernance de l’eau. Elle est sous-tendue par quatre principes (voir les accordéons ci-dessous). Pour permettre sa mise en œuvre, il faut à la fois des compétences techniques et des compétences non techniques.

La participation est un processus par lequel différentes parties ou acteurs s’engagent activement dans une activité ou une question spécifique. Dans le cadre de la gouvernance de l’eau, la participation doit être institutionnalisée, c’est-à-dire qu’elle est constamment pratiquée et dispose d’instruments (par exemple des manuels) qui indiquent la manière de s’y engager.

En s’engageant dans la gouvernance de l’eau, les communautés locales – en tant que l’une des parties prenantes impliquées dans la GIRE – ont la possibilité de contribuer avec leurs connaissances, d’être informées des propositions du secteur de l’eau, d’accéder aux informations sur l’avancement des projets et de faire des suggestions. Toutes ces actions, prises ensemble, aident à établir la confiance.

Principes de la dimension engagement et confiance de la gouvernance de l’eau selon l’OCDE.

Suivi et évaluation (cliquer pour agrandir) a) Promouvoir des institutions spécialisées dans le suivi et l’évaluation, dotées de capacités suffisantes, d’un degré d’indépendance et de ressources appropriées, ainsi que des instruments nécessaires ; b) Développer des mécanismes de suivi et de compte rendu fiables pour guider efficacement la prise de décision ; c) Évaluer dans quelle mesure la politique de l’eau atteint les résultats escomptés et les cadres de gouvernance de l’eau sont adaptés aux objectifs ; et d) Encourager le partage opportun et transparent des résultats de l’évaluation et adapter les stratégies à mesure que de nouvelles informations sont disponibles.
Trade-offs across users, rural and urban areas, and generations (cliquer pour agrandir) a) Promouvoir la participation non discriminatoire des personnes, en particulier des groupes vulnérables et des personnes vivant dans des zones reculées, à la prise de décision ; b) Donner aux autorités locales et aux usagers les moyens d’identifier et de lever les obstacles à l’accès à des services et à des ressources en eau de qualité et promouvoir la coopération entre les zones rurales et urbaines, notamment par un partenariat accru entre les institutions chargées de l’eau et les responsables de l’aménagement du territoire ; c) promouvoir le débat public sur les risques et les coûts associés à une eau trop abondante, trop rare ou trop polluée, afin de sensibiliser le public, de dégager un consensus sur la question de savoir qui doit payer quoi, et de contribuer à rendre l’eau plus abordable et plus durable aujourd’hui et à l’avenir ; et d) encourager l’évaluation factuelle des conséquences distributives des politiques liées à l’eau sur les citoyens, les utilisateurs d’eau et les lieux, afin de guider la prise de décision.
Stakeholder engagement (cliquer pour agrandir) a) Cartographier les acteurs publics, privés et à but non lucratif qui ont un intérêt dans le résultat ou qui sont susceptibles d’être affectés par les décisions relatives à l’eau, ainsi que leurs responsabilités, leurs motivations essentielles et leurs interactions ; b) Accorder une attention particulière aux catégories sous-représentées (jeunes, pauvres, femmes, populations autochtones, utilisateurs domestiques), aux nouveaux venus (promoteurs immobiliers, investisseurs institutionnels) et aux autres parties prenantes et institutions liées à l’eau ; c) Définir la ligne de décision et l’utilisation attendue des contributions des parties prenantes, et atténuer les déséquilibres de pouvoir et les risques de captation de la consultation par des catégories surreprésentées ou trop bruyantes, ainsi qu’entre les voix expertes et non expertes ; d) Encourager le développement des capacités des parties prenantes concernées ainsi que l’obtention d’informations précises, opportunes et fiables, le cas échéant ; e) Évaluer le processus et les résultats de l’engagement des parties prenantes afin d’apprendre, d’ajuster et d’améliorer en conséquence, y compris l’évaluation des coûts et des avantages des processus d’engagement ; f) Promouvoir des cadres juridiques et institutionnels, des structures organisationnelles et des autorités responsables propices à l’engagement des parties prenantes, en tenant compte des circonstances, des besoins et des capacités au niveau local ; et g) adapter le type et le niveau d’engagement des parties prenantes aux besoins et maintenir la souplesse du processus pour l’adapter à l’évolution des circonstances.
Integrity and transparency (cliquer pour agrandir) a) Promouvoir les cadres juridiques et institutionnels qui obligent les décideurs et les parties prenantes à rendre des comptes, comme le droit à l’information et les autorités indépendantes chargées d’enquêter sur les questions liées à l’eau et de faire respecter la loi ; b) Encourager les normes, codes de conduite ou chartes sur l’intégrité et la transparence dans les contextes nationaux ou locaux et surveiller leur mise en œuvre ; c) établir des mécanismes clairs de responsabilité et de contrôle pour une élaboration et une mise en œuvre transparentes de la politique de l’eau ; d) Diagnostiquer et cartographier régulièrement les facteurs de corruption et les risques existants ou potentiels dans toutes les institutions liées à l’eau à différents niveaux, y compris pour les marchés publics ; et e) Adopter des approches multipartites, des outils dédiés et des plans d’action pour identifier et combler les lacunes en matière d’intégrité et de transparence dans le secteur de l’eau (par exemple, analyses/impacts de l’intégrité, analyse des risques, témoins sociaux).

Source : OECD (2015). Principes de l’OCDE pour la gouvernance de l’eau.

Dans le cas des territoires ayant une population indigène, le secteur de l’eau doit évaluer si la participation communautaire doit être contextualisée dans le cadre de la Convention 169 de l’OIT. Pour cela, il est nécessaire d’identifier si le pays l’a ratifiée et/ou a développé une réglementation pour l’appliquer sur le territoire national, puisque la Convention 169 de l’OIT établit que les peuples autochtones ont le droit d’être consultés lorsque des mesures de développement doivent être mises en œuvre sur leurs territoires.

La communication est un élément fondamental pour susciter l’engagement et la confiance. Transmettre des informations et faire en sorte qu’elles soient comprises, valorisées et utilisées par l’ensemble de la population n’est pas toujours une tâche facile. C’est pourquoi elle ne doit pas seulement reposer sur l’élaboration de produits de communication tels que des infographies, des vidéos, des affiches, etc. Il est nécessaire de promouvoir le dialogue, qui se définit comme un processus d’échange de connaissances et de points de vue afin de parvenir à des accords entre différentes parties.

Le dialogue est considéré comme un mécanisme central du processus d’intégration sociale. À son tour, l’intégration sociale est considérée comme un élément central des vastes efforts de paix, de développement et de droits de l’homme, tels qu’ils ont été définis par consensus lors du Sommet mondial pour le développement social, qui s’est tenu à Copenhague du 6 au 12 mars 1995.

Source: Nations Unies (2007). Dialogue participatif : Vers une société stable, sûre et juste pour tous [3]

Il est important de garder à l’esprit que lorsque le dialogue implique des communautés rurales et des peuples autochtones, il doit être adapté à la culture, aux formes locales de communication et aux codes des communautés [4].

Références

[1] Disponible en français :

https://www.oecd.org/fr/gov/politique-regionale/Principes-OCDE-gouvernance-eau_brochure.pdf et en anglais: https://www.oecd.org/cfe/regionaldevelopment/OECD-Principles-on-Water-Governance-en.pdf

[2] Disponible en anglais à : https://www.unicef.org/media/64751/file/Global-framework-on-transferable-skills-2019.pdf 

[3] Disponible en anglais à : https://www.un.org/esa/socdev/publications/prtcptry_dlg(full_version).pdf.

[4] https://en.unesco.org/themes/intercultural-dialogue